Le nouveau rideau de fer

Un exemple de carte en 2,5D

Nicolas Lambert (UMS RIATE, CNRS)

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Introduction

Ce document montre comment réaliser cette carte de discontinuités en 2,5D (fausse 3D) joliment mise en page avec R. Des versions antérieures de cette carte ont déjà été publiées, dans le Manuel de cartographie (Lambert, Zanin 2016), ou dans Mad Maps (Lambert, Zanin 2019) et ont fait l’objet de billets de blog (Lambert 2017). Ici, nous entendons prouver qu’il est possible de réaliser ce type de carte sans passer par un logiciel DAO (Lambert 2019). Les sources et les références sont précisées à la fin du document.

1 Préparation des données

1.1 Packages

Pour réaliser cette carte, nous nous appuyons sur 5 packages :
- eurostat (Lahti et al. 2017) pour les données,
- rnaturalEarth (South 2017) pour quelques couches d’habillages supplémentaires,
- sf (Pebesma 2018) pour gérer les objets spatiaux,
- mapsf (Giraud 2021) pour l’affichage des différentes couches composant la carte,
- scales (Wickham, Seidel 2020) pour réaliser le rééchelonnage d’une série statistique.

library("sf")
library("mapsf")
library("eurostat")
library("rnaturalearth")
library("scales")

1.2 Données géométriques

Pour commencer, nous créons un fond de carte basé sur le système de découpage territoriale NUTS1. Afin de couvrir l’espace européen de manière exhaustive, nous construisons un maillage hybride et homogène combinant différentes versions et niveaux de découpage NUTS.

Le découpage NUTS3 (version 2016) n’est pas disponible pour les pays suivants : Autriche, Belgique, Suisse, Allemagne, Grèce, Pays-Bas, Turquie, Irlande, Islande et Norvège. Nous utiliserons donc le découpage NUTS2 pour ces territoires. Pour des raisons de disponibilité des données post-Brexit, nous l’utiliserons dans sa version 2013 pour le Royaume-Uni.

Récupération des découpages NUTS de 2016 et construction d’un fond de carte hybride NUTS2/3.

# NUTS 2016
nuts2016 <- get_eurostat_geospatial(
            output_class = "sf",
            resolution = "20",
            nuts_level = "all",
            year = "2016")

# Couche géographique des NUTS3 et NUTS2 pour 2016
nuts2016_3 <- nuts2016[nuts2016$LEVL_CODE == 3, ]
nuts2016_2 <- nuts2016[nuts2016$LEVL_CODE == 2, ]

# Liste des pays (code ISO) sans découpage NUTS3 
N2 <- c("AT", "BE", "CH", "DE", "EL", "NL", "UK", "TR", "IE", "IS", "NO")

# Couche géographique NUTS2/3 en fonction de la liste de pays N2
nuts <- rbind(nuts2016_2[nuts2016_2$CNTR_CODE %in% N2, ],
              nuts2016_3[!nuts2016_3$CNTR_CODE %in% N2, ])

# Suppression des départements d'Outre-mer français
nuts <- nuts[!nuts$id %in% c("FRY10", "FRY20", "FRY30", "FRY40", "FRY50"), ]

# Suppression des NUTS 2016 du Royaume-Uni 
nuts <- nuts[nuts$CNTR_CODE != "UK", ]

# Sélection et renommage de colonnes
nuts <- nuts[,c("id","NUTS_NAME","geometry")]
colnames(nuts) <- c("id","name","geometry")

Fusion avec le découpage NUTS2 2013 du Royaume-Uni.

# Récupération du découpage NUTS2 2013
nuts2013 <- get_eurostat_geospatial(
            output_class = "sf",
            resolution = "20",
            nuts_level = "2",
            year = "2013")

# Sélection des NUTS2 du Royaume-Uni
uk <- nuts2013[nuts2013$CNTR_CODE == "UK",]

# Sélection et renommage de colonnes
uk <- uk[,c("id","NUTS_NAME","geometry")]
colnames(uk) <- c("id","name","geometry")

# Fusion des NUTS2 2013 du Royaume-Uni avec le fond de carte NUTS2/3 2016
nuts <- rbind(nuts, uk)

Le fond de carte (ou couche géographique) créé est donc une fusion des découpages territoriaux suivants :

1.3 Données statistiques

Grâce au package eurostat, nous récupérons des données de PIB par habitant en 2016.

# Récupération des données (PIB/hab)
var <- "nama_10r_3gdp"
gdpinh <- get_eurostat(var, time_format = "num")

# Sélection de l'unité de mesure et de la date
gdpinh <- gdpinh[gdpinh$unit == "EUR_HAB",]
gdpinh <- gdpinh[gdpinh$time == 2016, c("geo","values")]

colnames(gdpinh) <- c("id","GDPINH_2016")

Les données pour le Royaume-Uni ne sont plus disponibles depuis le Brexit. Elles sont également manquantes pour quelques unités territoriales. Nous combinons donc les données issues d’eurostat avec des estimations issues de la base de données ESPON (fichier missing.csv, téléchargeable ici).

Nous combinons les deux jeux de données pour avoir une couverture exhaustive de l’espace à représenter.

# Import des données
missing <- read.csv("data/missing.csv")
# Fusion des deux tableaux
gdpinh <- rbind(gdpinh, missing)

Pour des questions de reproductibilité, nous sauvegardons les données complétées dans le répertoire local data.

write.csv(gdpinh, "data/gdpinh.csv")

Les estimations issues de la base de données ESPON (“missing”’“) ainsi que le tableau de données complété (”gdpinh”) sont récupérables à ce lien :




Télécharger les données


Nous effectuons ensuite une jointure entre les données et les géométries.

nuts <- merge(
        x = nuts,
        y = gdpinh,
        by = "id",
        all.x = TRUE)

2 Modèle de mise en page

2.1 Couches d’habillage

Pour habiller la carte, nous utilisons des couches géographiques mises à disposition par le package rnaturalearth.

# Surface terrestre, à petite échelle
land <- ne_download(
        scale = 110,
        type = "land",
        category = "physical",
        returnclass = "sf")

Il est possible d’afficher la couche d’habillage avec la fonction mf_map du package mapsf.

mf_map(land, border = NA, col = "#6eb1db")

# Mers et océans, à petite échelle
ocean <- ne_download(
         scale = 110,
         type = "ocean",
         category = "physical",
         returnclass = "sf")
mf_map(ocean, border = NA, col = "#6eb1db")

Puis, nous créons une couche de graticules avec la fonction st_graticule du package sf.

graticule = st_graticule(
            crs = st_crs(4326),
            ndiscr = 100,
            lon = seq(-180, 180, by = 2),
            lat = seq(-90, 90, by = 1),
            margin = 0.01)
mf_map(graticule, col = "#6eb1db")

2.2 Projection orthographique

Pour donner un effet de rotondité et permettre une représentation en 2,5D, on opte pour une projection orthographique centrée sur l’Afrique. Pour éviter tout problème dans l’opération de projection (bug, artefacts, etc.), nous définissons au préalable un rectangle qui servira à découper les différentes couches géographiques.

# Construction du rectangle (bounding box)
bb <- st_as_sfc(x = st_bbox(c(xmin = -50 , xmax = 70, ymin = 20, ymax = 80),
                crs = st_crs(4326)))

Nous pouvons ensuite découper toutes les couches d’habillage en fonction du rectangle préalablement créé. Pour que cette opération se passe bien, nous utilisons la fonction sf_use_s2 du package sf en paramétrant l’argument use_s2 en FALSE pour faire comme si les latitudes et longitudes étaient des coordonnées euclidiennes. Une fois les intersections effectuées, nous réexécutons cette fonction en paramétrant l’argument use_s2 en TRUE.

sf_use_s2(FALSE)

ocean <- st_intersection(ocean, bb)
ocean <-  st_segmentize(ocean, 100)
land <- st_intersection(land, bb)
land <-  st_segmentize(land, 100)
graticule <- st_intersection(graticule, bb)

sf_use_s2(TRUE)

Nous projetons ensuite toutes les couches géographiques créées dans une projection orthographique centrée sur l’Afrique (10° de latitude nord et 15° de longitude).

# Définition de la projection en format "proj-strings" (PROJ.4) 
ortho <- "+proj=ortho +lat_0=-10 +lon_0=15 +x_0=0 +y_0=0
          +ellps=WGS84 +units=m +no_defs"

# Projection des couches géographiques
ocean <- st_transform(ocean, ortho)
land <- st_transform(land, ortho)
graticule <-  st_transform(graticule, ortho)
nuts <- st_transform(nuts, ortho)

Affichons l’ensemble des couches recadrées et projetées pour visualiser le résultat :

par(mar = c(0, 0, 0, 0), mfrow = c(2, 2))

mf_map(land, col = "#6eb1db", border = NA)
mf_title("land", bg = "#6eb1db")

mf_map(ocean, col = "#6eb1db", border = NA)
mf_title("ocean", bg = "#6eb1db")

mf_map(graticule, col = "#6eb1db", lwd = 1)
mf_title("graticule", bg = "#6eb1db")

mf_map(nuts, col = "#6eb1db", border = "white", lwd = 0.2)
mf_title("NUTS2/3", bg = "#6eb1db")

2.3 Effet d’ombrage

On peut générer un effet d’ombrage en agrégeant les régions NUTS en un seul polygone, puis en affichant plusieurs fois ce polygone avec de la transparence et un léger décalage dans l’espace. Ci-dessous, un exemple sur la France métropolitaine :

# Union de l'ensemble des entités de la couche géographique "nuts"
fr <- st_union(nuts[substr(nuts$id, 1, 2) == "FR", ])

# Paramétrage des marges de la fenêtre graphique
par(mar = c(0, 0, 0, 0))

# Affichage multiple de la couche, en appliquant à chaque fois un léger décalage
mf_map(fr + c(5000,-5000), col = "#827e6c40", border = NA)
mf_map(fr + c(10000,-10000), col = "#827e6c40", border = NA, add = TRUE)
mf_map(fr + c(15000,-15000), col = "#827e6c40", border = NA, add = TRUE)
mf_map(fr + c(20000,-20000), col = "#827e6c40", border = NA, add = TRUE)
mf_map(fr + c(25000,-25000), col = "#827e6c40", border = NA, add = TRUE)
mf_map(fr, col = "#6eb1db", border = "white", lwd = 0.1, add = TRUE)


2.4 Fonction template()

A partir des différentes couches géographiques recadrées et projetées, nous allons à présent réaliser un modèle de mise en page cartographique.

Pour cela, nous définissons précisément l’emprise de la carte dans le système de coordonnées de la projection. Les coordonnées étant en mètres, nous utilisons un facteur 100 000 (variable k) qui nous permet de manipuler de petits chiffres avec un niveau de précision satisfaisant. Nous utiliserons également ce facteur k pour positionner les différents éléments d’habillage de la carte.

# Création de la variable k
k <- 100000

# Coordonnées de l'emprise * k
extent <- c(-20, 42, 24.5, 63) * k

# Construction de l'emprise (objet sfc)
bb <- st_as_sfc(x= st_bbox(c(xmin = extent[1], 
                             xmax = extent[3], 
                             ymin = extent[2], 
                             ymax = extent[4]),
               crs = st_crs(nuts)))

On crée ensuite la fonction template() qui contiendra tous les éléments de la mise en page souhaitée. Ce modèle est construit à l’aide de fonctions du package mapsf.

# Création de la fonction
template = function(file) {
  
  # Création d'un thème
  theme <- mf_theme(x = "default",
                    bg = "#f2efe6",
                    fg = "#f2efe6",
                    mar = c(0, 0, 0, 0),
                    tab = TRUE,
                    pos = "left",
                    inner = FALSE,
                    line = 2,
                    cex = 1.9,
                    font = 3)
  
  # Paramétrage de l'export de la carte en format png
  mf_export(bb,
            export = "png",
            width = 2000,
            filename = file,
            res = 150,
            theme = theme,
            expandBB = c(-.02, 0, 0.05, 0))

  # Affichage de la couche 'ocean'
  mf_map(ocean, col = "#9acbe3", border = "#9acbe3", lwd = 5, add = TRUE)
  
  # Affichage de la couche 'graticule'      
  mf_map(graticule, col = "#FFFFFF80", lwd = 1.5, lty = 3, add = TRUE)
  
  
  # Affichage d'un effet d'ombrage pour la couche 'nuts'         
  ue <- st_union(nuts)
  mf_map(ue + c(5000,-5000), col = "#827e6c40", border = NA, add = TRUE)
  mf_map(ue + c(10000,-10000), col = "#827e6c40", border = NA, add = TRUE)
  mf_map(ue + c(15000,-15000), col = "#827e6c40", border = NA, add = TRUE)
  mf_map(ue + c(20000,-20000), col = "#827e6c40", border = NA, add = TRUE)
  mf_map(ue + c(25000,-25000), col = "#827e6c40", border = NA, add = TRUE)

  # Affichage de la couche 'nuts'
  mf_map(nuts, col = "#dbccb6", border = "white", lwd = 0.3, add = TRUE)
  
  # Affichage d'un bandeau bleu transparent sous le titre
  rect(-22 * k, 
       41.3 * k, 
       28 * k, 
       41.3 * k + 250000, 
       border = NA, col = "#2369bd80")

  # Affichage du titre
  text(x = -21.5 * k,
       y = 42.4 * k,
       labels = "30 YEARS LATER, THE IRON CURTAIN IS STILL VISIBLE",
       cex = 2.14,
       pos = 4,
       font = 2,
       col = "#FFFFFF80")
  
  # Affichage des sources
  text(x = -21.75 * k,
       y = 44.25 * k,
       labels = "Map 100% designed in the R language by Nicolas Lambert, 2019. 
Code source available here: https://github.com/neocarto/ironcurtain). Data sources: Eurostat & Natural Earth, 2019",
       cex = 0.5,
       pos = 4,
       font = 1,
       col = "#3f4654")
  
  # Affichage d'une échelle
  mf_scale(size = 700,
           lwd = 0.6,
           cex = 0.5,
           col = "#3f4654",
           pos = c(19 * k, y = 44 * k))
}

Et voilà le résultat :-)

# Indiquez le nom du fichier png créé
# Utilisez dev.off() pour clôturer l'enregistrement du fichier
template("figures/fig1.png")
dev.off()

Le résultat ne s’affiche pas dans la fenêtre graphique. Il est directement enregistré en format png dans le répertoire souhaité.

3 Carte choroplèthe2

Maintenant que le modèle de mise en page est facilement reproductible avec la fonction template(), penchons-nous sur la représentation cartographique du PIB par habitant.

3.1 Discrétiser la variable

Afin de cartographier cette variable quantitative relative, nous devons commencer par discrétiser la distribution statistique par classe de valeurs. Pour cela, nous utilisons la fonction mf_get_breaks() du package mapsf.

# Discrétisation par quantile (calcul des bornes de classes)
bks <- mf_get_breaks(x = nuts$GDPINH_2016,
                     nbreaks = 6,
                     breaks = "quantile")

# Vecteur de couleurs (1 par classe)
cols <- c("#50b160",
          "#98c17e",
          "#cce3c4",
          "#fbf5bd",
          "#fcc34f",
          "#e97d40")

3.2 Représentation graphique

Nous pouvons ensuite facilement cartographier le PIB par habitant en utilisant la fonction de mise en page template() puis la fonction mf_map() pour réaliser la carte choroplèthe.

# Utilisation du modèle de mise en page (+ export de la carte)
template("figures/fig2.png")

# Cartographie du PIB par habitant
mf_map(x = nuts,
       var = "GDPINH_2016",
       type = "choro",
       breaks = bks,
       pal = cols,
       lwd = 0.2,
       leg_pos = "n",
       add = TRUE)

# Ajout d'une légende
mf_legend(type = "choro",
          pos = c(11 * k, 59.05 * k),
          title = "",
          val = bks,
          val_cex = 0.4,
          pal = cols,
          fg = "#333333",
          cex = 0.85,
          border = "red",
          val_rnd = 0,
          no_data = FALSE,
          frame = FALSE)

# Ajout d'un titre de légende
text(10.5 * k,
     y = 59.1 * k,
     labels = "Gross Domestic Product",
     cex = 0.75,
     pos = 4,
     font = 2,
     col = "#404040")

# Ajout d'un sous-titre de légende
text(10.5 * k,
     y = 58.7 * k,
     labels = "(in € per inh. in 2016)",
     cex = 0.55,
     pos = 4,
     font = 1,
     col = "#404040")

# NE PAS OUBLIER
dev.off()

4 Discontinuités

La première étape pour cartographier les discontinuités spatiales consiste à récupérer les frontières entre chaque entité territoriale NUTS.

4.1 Récupérer les frontières

Pour cela, il suffit de réaliser une auto-intersection des NUTS (polygones de la couche ‘nuts’). Afin d’éviter d’éventuelles erreurs topologiques, il est préférable de calculer une petite zone tampon autour des polygones avant de réaliser l’intersection spatiale. Les géométries générées (lignes) doivent par la suite être définies en MULTILINESTRING.

# Auto-intersection de la couche NUTS (avec zone tampon de 5m)
nuts.borders  <- st_intersection(st_buffer(nuts, 5), st_buffer(nuts, 5)) 

# Transformation des géométries en 'MULTILINESTRING'
nuts.borders  <- st_cast(nuts.borders ,"MULTILINESTRING")

Il est ensuite nécessaire de nettoyer la couche géographique et de créer un identifiant unique pour chaque ligne (frontière) détectée.

# Suppression des intersections entre un même polygone
nuts.borders  <- nuts.borders [nuts.borders $id != nuts.borders $id.1, ] 

# Construction d'un identifiant unique pour chaque frontière
nuts.borders$id1 <- nuts.borders$id
nuts.borders$id2 <- nuts.borders$id.1
nuts.borders$id <-  paste0(nuts.borders$id1, "_", nuts.borders$id2)
rownames(nuts.borders) <- nuts.borders$id
nuts.borders  <- nuts.borders [,c("id","id1","id2","geometry")]

4.2 Mesurer les discontinuités

Nous pouvons maintenant effectuer une double jointure pour relier à chaque “frontière” de NUTS les données de PIB par habitant des régions limitrophes.

# Récupération des données de PIB par habitant, en supprimant la géométrie associée
vals <- st_set_geometry(x = nuts[, c("id","GDPINH_2016")], 
                        value = NULL)

# Double jointure pour récupérer les valeurs des NUTS limitrophes
nuts.borders <- merge (x = nuts.borders, y = vals, by.x = "id1", by.y = "id", all.x = T)
nuts.borders <- merge (x = nuts.borders, y = vals, by.x = "id2", by.y = "id", all.x = T)

Pour chaque frontière (ligne), nous calculons une valeur de discontinuité relative :

\[ Discontinuité~relative = \frac{{PIB~par~habitant~de~la~région~A~(ou~B)}}{{PIB~par~habitant~de~la~région~B~(ou~A)}} \]

nuts.borders$disc <- nuts.borders$GDPINH_2016.x / nuts.borders$GDPINH_2016.y

Nous choisissons de conserver uniquement les plus fortes discontinuités (10 %). Cela revient à choisir comme seuil la valeur 0,95 (95%) car la table présente deux valeurs pour chaque frontière (les rapports A/B et B/A).

threshold <- 0.95
disc <- nuts.borders[nuts.borders$disc >= quantile(nuts.borders$disc,threshold),]

Affichons les plus fortes discontinuités sélectionnées avec la mise en page précédemment créée :

template("figures/fig3.png")

mf_map(x = disc,
       col = "#d92e94",
       lwd = 3,
       add = TRUE)

dev.off()

On constate que les fortes discontinuités entre les régions européennes suivent très largement le tracé de l’ancien rideau de fer (si on fait abstraction de l’ancienne frontière RFA/RDA). C’est ce que nous souhaitons mettre en valeur par un procédé d’extrusion, pour rappeler la symbolique du mur.

4.3 Extrusion (effet 2,5D)

Pour extruder les lignes, nous procédons comme pour l’effet d’ombrage (cf. partie 1.6) : nous translatons les lignes plusieurs fois en ordonnée (y, vers le haut). Sur la projection orthographique utilisée, cela produit un effet 3D. Le nombre d’itérations et l’écart entre les lignes détermine la hauteur du mur. Exemple pour une frontière :

# On sélectionne une ligne (frontière) au hasard
line <- st_geometry(disc[5, ])

# Choix d'un nombre d'itérations
nb <- 15

# Choix d'une valeur de translation
delta <- 200

On effectue alors une boucle for qui construit “nb” lignes (15), décalées de “delta” (200) à chaque fois.

# Paramétrage des marges et de la couleur de fond
par(mar = c(0, 0, 0, 0), bg = "#f2efe6")

# Affichage de la frontière
mf_map(line, col = "#66666690", lwd = 0.5)

# "nb" affichage de la frontière, décalée de "delta" à chaque fois
for (j in 1:nb) {
  line <- line + c(0, delta)
  mf_map(line,
         col = "#66666690",
         lwd = 0.5 ,
         add = TRUE)
}

# Affichage de la dernière ligne calculée en rouge, avec une épaisseur de 1.2
mf_map(line,
       col = "#cf0e00",
       lwd = 1.2,
       add = TRUE)

Pour que l’effet 3D fonctionne, l’ordre d’affichage des discontinuités est important. Nous décomposons donc les lignes et les ordonnons en fonction de la valeur en ordonnée (y) de leur centroïde. Cela permet d’afficher les discontinuités du Nord au Sud. Ainsi, les lignes qui sont “devant” apparaissent devant.

# Transformation du type de géométrie
disc <- st_cast(disc,"LINESTRING")

# Calcul des coordonnées des centroïdes de chaque ligne
c <- as.data.frame(st_coordinates(st_centroid(disc)))

# Récupération de la valeur y de chaque centroïde
disc$Y <- c$Y

# Tri des discontinuités en fonction de la valeur de y 
disc <- disc[order(disc$Y, decreasing = TRUE), ]

Nous considérons que les frontières nationales renvoient à des disparités historiques plus significatives. Ainsi, nous choisissons de traiter différemment les discontinuités entre deux régions d’un même pays et entre deux régions de deux pays différents. Les premières auront une “hauteur de mur” constante (8 itérations). Les secondes auront une “hauteur de mur” qui dépendra de la valeur des discontinuités (entre 30 et 70 itérations) et seront représentées en rouges.

Dans un premier temps, nous calculons une “hauteur de mur” proportionnelle à la valeur de discontinuité relative de chaque ligne. Nous rééchelonnons l’étendue de la distribution entre les valeurs 30 et 70. La plus faible (des plus fortes) discontinuité sera itérée 30 fois, la plus forte 70 fois.

Pour réaliser ce rééchelonnage, nous utilisons la fonction rescale du package scale.

# Rééchelonnage des valeurs de discontinuité de 30 à 70
disc$height <- round(rescale(disc$disc, to=c(30,70)),0)

On affecte également par défaut la couleur rouge et la même épaisseur à toutes les lignes, en les stockant dans deux nouvelles variables (“col” et “thickness”).

disc$col <-"#cf0e00"
disc$thickness <- 1.2

Nous devons ensuite repérer les discontinuités infra-nationales afin de modifier les valeurs à représenter. Pour cela nous utilisons les deux premières lettres des codes NUTS associées à chaque ligne, puisqu’elles correspondent au code ISO du pays d’appartenance.

disc$c1 <- substr(disc$id1,1,2)
disc$c2 <- substr(disc$id2,1,2)

A l’aide d’une boucle for et d’un test if, nous pouvons détecter les frontières infra-nationales. Nous modifions alors les valeurs des variables “height”, “col” et “thickness” (qui seront utilisées pour la représentation des discontinuités) pour toutes ces lignes.

# Boucle qui parcourt toutes les lignes
for (i in 1:length(disc$disc)){ 
  
  # Pays 1 == Pays 2 ?
  if (disc$c1[i]== disc$c2[i]) {
      # 8 itérations
      disc$height[i] <- 8  
      # Couleur grise
      disc$col[i] <-"#66666690"
      # Petite épaisseur
      disc$thickness[i] <- 0.5
      
  }
}

Toutes les valeurs à représenter sont maintenant stockées dans l’objet “disc”. Nous pouvons alors construire une fonction d’extrusion des lignes en fonction de ces valeurs calculées.

# Valeur de translation
delta <- 2500  

# Création de la fonction extrude()
extrude <- function(id){

  line <- st_geometry(disc[id,])
  mf_map(line, col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= TRUE)
  nb <- as.numeric(disc[id,"height"])[1]
  
  for (j in 1:nb){
    line <- st_geometry(line) + c(0,delta)
    mf_map(st_geometry(line), col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= TRUE)
  }
  
  mf_map(line, col= disc$col[id],lwd = disc$thickness[id] ,add= TRUE)
  
}

Nous pouvons appliquer cette fonction à toutes les lignes en utilisant une boucle for. Voici un exemple d’utilisation de la fonction extrude(), combinée à template() avec l’ajout d’une légende pour les discontinuités représentées.

template("figures/fig4.png")

# BOUCLE for pour appliquer la fonction extrude() à toutes les lignes
for (i in 1:length(disc$height))
{
  extrude(i)
}

# TEXTE de la légende pour les discontinuités
# Utilisation du facteur k pour un placement précis des éléments
d = 0.75 * k
# Titre légende
text(14.4*k - d, y = 57.4*k, "Discontinuities", 
     cex = 0.6, pos = 4, font = 2, col="#404040")     
# Intitulé classe 1
text(15.5*k - d, y = 56.6*k, "Between two regions of the same country", 
     cex = 0.4, pos = 4, font = 1, col="#404040")   
# Intitulé classe 2
text(15.5*k - d, y = 55.7*k, "Between two regions of two different countries",
     cex = 0.4, pos = 4, font = 1, col="#404040")   
# Description
text(15.5*k - d, y = 55.3*k,
     "(The height is proportional to the value of the dicontinuity)",
     cex = 0.4, pos = 4, font = 1, col="#404040") 
# NB
text(10.7*k, y = 54.4*k,
     "NB: only the 10% highest discontinuities are represented on the map.",
     cex = 0.4, pos = 4, font = 3, col="#404040")   

# SYMBOLE pour la légende des discontinuités
# Récupération d'une ligne infra-nationale presque horizontale
myline1 <- disc[disc$id == "TR21_BG341",]

# Translation de la ligne 1 pour la positionner dans la légende (classe 1)
st_geometry(myline1) <- st_geometry(myline1) + c(4.2*k, 5*k)
# On duplique la ligne
myline2 <- myline1
# Translation de la ligne 2 pour la positionner dans la légende (classe 2) 
st_geometry(myline2) <- st_geometry(myline2) + c(0, 1.5*k)

# Symbole de légende pour les discontinuités entre deux pays
plot(myline1, col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)
# 40 itérations de la ligne
for (i in 1:40){
    myline1 <- st_geometry(myline1) + c(0,delta)
    plot(st_geometry(myline1), col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)  
}
# Dernière ligne en rouge
plot(myline1, col= "#cf0e00",lwd = 1.2 ,add= T)

# Symbole de légende pour les discontinuités infra-nationales
plot(myline2, col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)
# 8 itérations de la ligne
for (i in 1:8){
  myline2 <- st_geometry(myline2) + c(0,delta)
  plot(st_geometry(myline2), col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)  
}
plot(myline2, col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)

# Ne pas oublier
dev.off()

5 Carte finale

Le modèle de mise en page et la représentation des discontinuités en 2,5D ont été encapsulés dans des fonctions et la variable à représenter a été discrétisée. Nous avons donc tous les éléments pour générer la carte finale :

# Modèle de mise en page
template("figures/ironcurtain.png")

# Carte choroplèthe
mf_map(x = nuts,
       var = "GDPINH_2016",
       type = "choro",
       breaks = bks,
       pal = cols,
       lwd = 0.2,
       leg_pos = "n",
       add = TRUE)

# Légende carte choroplèthe
mf_legend(type = "choro",
          pos = c(11 * k, 59.05 * k),
          title = "",
          val = bks,
          val_cex = 0.4,
          pal = cols,
          fg = "#333333",
          cex = 0.85,
          border = "red",
          val_rnd = 0,
          no_data = FALSE,
          frame = FALSE)

# Titre légende carte choroplèthe
text(10.5 * k,
     y = 59.1 * k,
     labels = "Gross Domestic Product",
     cex = 0.75,
     pos = 4,
     font = 2,
     col = "#404040")

# Sous-titre légende carte choroplèthe
text(10.5 * k,
     y = 58.7 * k,
     labels = "(in € per inh. in 2016)",
     cex = 0.55,
     pos = 4,
     font = 1,
     col = "#404040")

# Construction discontinuités
for (i in 1:length(disc$height)){extrude(i)}

# Texte légende discontinuités
d = 0.75 * k
text(14.4*k - d, y = 57.4*k, "Discontinuities", 
     cex = 0.6, pos = 4, font = 2, col="#404040")     
text(15.5*k - d, y = 56.6*k, "Between two regions of the same country", 
     cex = 0.4, pos = 4, font = 1, col="#404040")   
text(15.5*k - d, y = 55.7*k, "Between two regions of two different countries",
     cex = 0.4, pos = 4, font = 1, col="#404040")   
text(15.5*k - d, y = 55.3*k,
     "(The height is proportional to the value of the dicontinuity)",
     cex = 0.4, pos = 4, font = 1, col="#404040") 
text(10.7*k, y = 54.4*k,
     "NB: only the 10% highest discontinuities are represented on the map.",
     cex = 0.4, pos = 4, font = 3, col="#404040")  

# Symbole légende discontinuités
myline1 <- disc[disc$id == "TR21_BG341",]
st_geometry(myline1) <- st_geometry(myline1) + c(4.2*k, 5*k)
myline2 <- myline1
st_geometry(myline2) <- st_geometry(myline2) + c(0, 1.5*k)

plot(myline1, col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)
for (i in 1:40){
    myline1 <- st_geometry(myline1) + c(0,delta)
    plot(st_geometry(myline1), col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)  
}
plot(myline1, col= "#cf0e00",lwd = 1.2 ,add= T)

plot(myline2, col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)
for (i in 1:8){
  myline2 <- st_geometry(myline2) + c(0,delta)
  plot(st_geometry(myline2), col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)  
}
plot(myline2, col= "#66666690",lwd = 0.5 ,add= T)

# Clôture graphique - enregistrement png
dev.off()


Et voilà. Même si cela nécessite quelques tâtonnements pour positionner les différents éléments, nous venons de faire la démonstration qu’il est donc possible de faire de la cartographie d’édition, stylisée et mise en page, uniquement avec R :-)

Bibliographie

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GIRAUD, Timothée et LAMBERT, Nicolas, 2017. Reproducible Cartography. In : PETERSON, Michael (éd.), Advances in Cartography and GIScience. ICACI 2017. Lecture Notes in Geoinformation and Cartography. Cham, Switzerland : Springer. 2017. pp. 173‑183.
LAHTI, Leo, HUOVARI, Janne, KAINU, Markus et BIECEK, Przemyslaw, 2017. eurostat R package [en ligne]. 2017. S.l. : s.n. Disponible à l'adresse : https://journal.r-project.org/archive/2017/RJ-2017-019/index.html.
LAMBERT, Nicolas, 2017. La mise en scène cartographique. In : [en ligne]. 2017. [Consulté le 3 novembre 2017]. Disponible à l'adresse : https://neocarto.hypotheses.org/3239.
LAMBERT, Nicolas, 2019. Dessiner c’est coder ! In : [en ligne]. 2019. [Consulté le 8 novembre 2019]. Disponible à l'adresse : https://neocarto.hypotheses.org/6830.
LAMBERT, Nicolas et ZANIN, Christine, 2016. Manuel de cartographie: principes, méthodes, applications [en ligne]. S.l. : Armand Colin. Disponible à l'adresse : https://www.armand-colin.com/manuel-de-cartographie-principes-methodes-applications-9782200612856.
LAMBERT, Nicolas et ZANIN, Christine, 2019. Mad Maps. L’atlas qui va changer votre vision du Monde [en ligne]. S.l. : Armand Colin. Disponible à l'adresse : https://www.armand-colin.com/mad-maps-latlas-qui-va-changer-votre-vision-du-monde-9782200625825.
PALSKY, Gilles, 2004. Carte choroplèthe (définition) [en ligne]. 2004. S.l. : s.n. Disponible à l'adresse : https://www.hypergeo.eu/spip.php?article274.
PEBESMA, Edzer, 2018. Simple Features for R: Standardized Support for Spatial Vector Data. In : The R Journal [en ligne]. 2018. Vol. 10, n° 1, pp. 439‑446. DOI 10.32614/RJ-2018-009. Disponible à l'adresse : https://doi.org/10.32614/RJ-2018-009.
SOUTH, Andy, 2017. rnaturalearth: World Map Data from Natural Earth [en ligne]. S.l. : s.n. Disponible à l'adresse : https://CRAN.R-project.org/package=rnaturalearth.
WICKHAM, Hadley et SEIDEL, Dana, 2020. scales: Scale Functions for Visualization [en ligne]. S.l. : s.n. Disponible à l'adresse : https://CRAN.R-project.org/package=scales.


Annexes

Info session

setting value
version R version 4.0.2 (2020-06-22)
os Ubuntu 18.04.5 LTS
system x86_64, linux-gnu
ui X11
language (EN)
collate fr_FR.UTF-8
ctype fr_FR.UTF-8
tz Europe/Paris
date 2021-12-17
package ondiskversion source
eurostat 3.7.5 CRAN (R 4.0.2)
mapsf 0.3.0 CRAN (R 4.0.2)
rnaturalearth 0.1.0 CRAN (R 4.0.2)
scales 1.1.1 CRAN (R 4.0.2)
sf 1.0.2 CRAN (R 4.0.2)

Citation

Lambert N (2021). “Le nouveau rideau de fer.” doi: 10.48645/a4ra-yr11, (URL: https://doi.org/10.48645/a4ra-yr11), <URL:, https://rzine.fr/publication_rzine/20191125_ironcurtain/>.

BibTex :

@Misc{,
  title = {Le nouveau rideau de fer},
  subtitle = {Un exemple de carte en 2,5D},
  author = {Nicolas Lambert},
  doi = {10.48645/a4ra-yr11},
  url = {https://rzine.fr/publication_rzine/20191125_ironcurtain/},
  keywords = {FOS: Other social sciences},
  language = {fr},
  publisher = {FR2007 CIST},
  year = {2021},
  copyright = {Creative Commons Attribution Share Alike 4.0 International},
}


Glossaire


  1. La nomenclature NUTS (Nomenclature des unités territoriales statistiques) est un système hiérarchique de découpage du territoire économique de l’UE à 3 niveaux. Elle sert de référence pour la collecte des statistiques régionales, pour les analyses socio-économiques des régions, pour la définition des politiques régionales de l’UE.↩︎

  2. La carte choroplèthe est le type le plus usuel de carte statistique. Il s’agit d’une représentation de quantités relatives à des espaces, ou aires géographiques, par le moyen d’une « échelle » de tons gradués. La carte choroplèthe pose un problème à la fois mathématique et graphique. Sa réalisation repose d’abord sur le choix d’une méthode de discrétisation, c’est-à-dire de division de la série statistique que l’on veut cartographier en classes, ou intervalles. Il faut par ailleurs déterminer le nombre de classes retenues pour la représentation, qui correspond au nombre de paliers visuels à réaliser (Palsky 2004).↩︎


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